Body positive, ou bopo, voilà le nom d’un mouvement et d’une attitude qui vise à accepter son corps tel qu’il est. L’accepter, mais aussi le montrer, sans filtres, notamment sur les réseaux sociaux. Sauf que le bopo, comme bien des choses qui a trait avec l’humain, connaît aussi des dérives. Petit point sur ce mouvement et son alternative.
Le body positive, de la bienveillance …
Né dans les années 1960, le body positive est en lien avec la « fat acceptance ». En 1969 naît ainsi la NAAFA (National Association to Advance Fat Acceptance) qui vise à mettre fin aux discriminations envers les personnes qui ne rentreraient pas dans le moule de la société en termes de poids et de forme. Viendra un peu plus tard la notion de « body positive » et son émergence récente grâce à internet et aux réseaux sociaux. Selon Wikipédia, le body positive désigne donc un « mouvement social en faveur de l’acceptation et l’appréciation de tous les types de corps. Il encourage la diversité et l’estime de soi en soutenant que la beauté est une construction sociale qui dépend des cultures et défie les stéréotypes et définitions normatives partagés par les médias ».
Depuis le début de ce mouvement, des millions de publications sont regroupées sous ce hashtag. Bourrelets, ventres gonflés, cicatrices, boutons, poils : tout est montré dans le but de décomplexer les femmes, mais aussi les hommes, quant à leur physique. Cela permet aussi une meilleure représentation de la diversité des corps, loin des diktats de la beauté actuelle. De même, le mouvement cherche à normaliser ce qui a pu ou est encore diabolisé. On peut penser notamment aux personnes qui ont du mal à prendre les transports en commun, faute d’une taille de fauteuil adaptée. Accepter son corps et faire la paix avec lui permettrait ainsi de se sentir plus en phase avec soi-même.

… à l’exclusion
Le body positive se veut en opposition avec le body shaming. Pourtant, il n’est pas exempt de dérives, comme le montre cette vidéo de zoeunlimited. Sur des réseaux comme Tiktok, des personnes qui correspondraient aux standards de beauté actuels ne peuvent pas se plaindre et se doivent de tout accepter chez elles. On retombe dans du « skinny shamming » … tout l’inverse d’une démarche acceptant la diversité des corps. C’est ainsi oublier que le ressenti et l’expérience de chacun relèvent de l’ordre du personnel et ne peuvent être remis en question. A noter que cette tendance peut s’expliquer par une volonté politique différente selon les personnes jugées minces ou fortes : parler de ses complexes pour les unes, combat politique d’acceptation des corps non normés pour les autres. Les racines étant dans le mouvement de la « fat acceptance », il y a en jeu une peur ; l’invisibilisation de ces personnes-là. Le mouvement a évolué et a été repris par d’autres types de personnes. Une frontière qui s’est donc brouillée avec le temps, mais qui n’empêche pas tout un chacun de respecter les uns et les autres.
Les Eclaireuses rappelle que : « le body positivisme n’envisage pas de pointer du doigt les femmes qui correspondent aux critères du corps idéal, mais plutôt les entreprises qui mettent en avant seulement ces femmes et participent ainsi à la création de standards de beauté fermés et hétéroclites ». À noter que certaines marques participent de ce mouvement en ne retouchant parfois plus leur mannequin, ou en prenant des modèles qui sortent des normes de beauté actuelles. C’est un début.
Autre écueil du body positive : la soudaine injonction à l’acceptation de soi et de son corps, tout le temps. Acceptez-vous comme vous êtes ! Une démarche parfois longue et douloureuse pour certaines personnes, qui est en fait un travail inachevable … car le corps ne cesse de changer. Ce qui relève parfois de la « toxic positivity » (le fameux « fake it until you make it ») peut donner lieu à un sentiment de culpabilité. S’accepter, est-ce alors ne plus pouvoir se plaindre de ce que l’on n’aime pas chez soi ? Doit-on s’accepter tout le temps, sans pouvoir laisser place aux doutes, aux hésitations, à la frustration ? Mieux encore, faut-il trouver beau chez soi ce que l’on trouve beau ailleurs ? Vient souvent la question des bourrelets ou des poils. On peut aimer cela chez quelqu’un d’autre et ne pas en vouloir soi-même. L’un n’empêche pas l’autre. Cela ne fait pas de nous des anti-body positive.
Body neutrality : au-delà des apparences
L’alternative de la body neutrality met l’accent sur ce que notre corps peut faire pour nous. Il n’y a plus ce lien entre apparence physique et estime de soi comme pour le bopo. D’ailleurs, on peut tout à fait combiner les deux mouvements : aimer son corps un jour, lui trouver des défauts le lendemain, mais toujours accepter son corps et l’apprécier pour ses possibilités. Il ne faut surtout pas oublier que notre corps évolue constamment. C’est pourquoi Stéphanie Pahud, linguiste de l’université de Lausanne, pense que le mouvement body positive « laisse entendre qu’il existe un soi-même figé, définitif, à identifier et auquel adhérer, or, nous nous inventons et nous réinventons sans cesse ».
I don’t think about my body ever (…) Imagine just not thinking about your body. You’re not hating it. You’re not loving it. You’re just floating head. I’m a floating head wandering through the world.
Jameela Jamil (The Good Place) pour Glamour en 2019 (Je ne pense jamais à mon corps (…) Imaginez simplement ne pas penser à votre corps. Vous ne le détestez pas. Tu ne l’aimes pas. Tu es juste une tête flottante. Je suis une tête flottante qui se promène dans le monde)
En pratique, la body neutrality est un moyen de faire une pause et de se concentrer sur autre chose que son corps. Cela libère de l’énergie qui peut ensuite être consacrée à autre chose, comme un projet par exemple. Il s’agit donc d’être neutre et de voir ce que le corps offre comme possibilités : vos jambes vous portent, votre cœur bat, vos mains peuvent créer des choses, etc. A l’inverse, si vous avez des problèmes, des actions que vous ne pouvez pas mener, il faut alors tenter d’accepter cela et se défaire de tout jugement ou honte.

Le body positive prône l’acceptation de soi, de son corps et de ses défauts. Non exempt de défauts ou de dérives, chacun doit prendre le temps de s’écouter, de prendre soin de son corps, mais aussi de son mental. Le cœur du mouvement est aussi basé sur l’écoute et la compréhension du vécu de chacun, sans pour autant dire à l’autre quoi faire de son corps. A chacun de mieux appréhender le lien entre esthétisme, santé et vécu. Si vous avez envie de vous exprimer à ce sujet-là, vous pouvez commenter ou passer pas les courriers du cœur.
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